Les importations parallèles

Les importations parallèles

Acheter moins cher ici ce qui coûte plus cher là-bas, sans même demander la permission au fabricant ? C’est le tour de passe-passe des importations parallèles ! Cette pratique, tout à fait légale, permet aux consommateurs de profiter de prix plus attractifs que ceux des distributeurs officiels, une aubaine dans une Suisse souvent qualifiée d’« îlot de cherté ». Si cette astuce ravit les acheteurs et encourage la concurrence, elle met toutefois les grandes marques et les régulateurs face à des dilemmes : entre lutte contre la vie chère et protection des droits des marques, jusqu’où peut-on aller pour niveler les prix ?



Les importations parallèles, aussi tentantes qu’elles paraissent, ne sont pas sans failles ! Bien sûr, elles abaissent les prix, mais elles peuvent aussi bousculer l’équilibre du marché. Par exemple, la différence de prix d’un même produit est souvent liée au pouvoir d’achat local : un consommateur d’un pays à haut revenu peut se permettre un prix élevé, là où ce même prix devient inabordable dans un pays à faible revenu. Avec les importations parallèles, les entreprises sont tentées d’uniformiser leurs prix, ce qui pourrait rendre certains produits inaccessibles dans certains pays et freiner leur diffusion.

De plus, les importateurs parallèles s’appuient sur les efforts et investissements de l’entreprise qui développe le produit (marketing, innovation, etc.) sans y mettre le moindre engagement. En se greffant sur ces efforts sans contribuer, ils pourraient dissuader les marques d’investir autant dans l’amélioration de leurs produits, ce qui, finalement, nuirait aux consommateurs. [1].

Prenons l’affaire Bayer AG pour illustrer les effets moins reluisants des importations parallèles. Bayer, qui commercialisait l’Adalat, un médicament utilisé pour traiter l’hypertension, a été confronté à un problème inattendu. En Espagne et en France, les autorités de santé avaient fixé le prix de l’Adalat à environ 40 % de moins qu’au Royaume-Uni, encourageant ainsi certains commerçants espagnols et français à revendre le médicament de l’autre côté de la Manche pour un bénéfice plus important.

Cela a mené les pharmacies espagnoles vers la rupture de stock. Les grossistes espagnols, attirés par les profits au Royaume-Uni, ont préféré exporter les boîtes d’Adalat plutôt que de les distribuer localement, laissant les patients espagnols en quête de leur traitement.[2]

En somme, les importations parallèles soulèvent autant de questions qu’elles offrent d’opportunités. Si elles permettent aux consommateurs de bénéficier de prix réduits, elles exposent aussi le marché à des déséquilibres potentiellement nuisibles, en mettant en péril la stabilité des chaînes d’approvisionnement et en fragilisant les investissements des marques. L’exemple d’Adalat illustre bien le double tranchant de cette pratique, où la recherche de profit dans un pays peut créer des pénuries ailleurs. Trouver un équilibre entre accessibilité des prix et protection des intérêts économiques des entreprises reste un défi de taille pour les régulateurs, qui devront continuer à jongler entre ces enjeux contradictoires.  

Samra Akasriou


[1] Kraus. P.78

[2] Affaires jointes C-2/01 P et C-3/01 P.


Bibliographie:

Kraus Daniel, Les importations parallèles de produits brevetés: Droit de l’OMC dans la perspective du droit communautaire et du droit suisse de la propriété intellectuelle et de la concurrence, Zurich/ Bruxelles (Schulthess/ Bruylant) 2004. P.78

Arrêt de la Cour (assemblée plénière) du 6 janvier 2004.
Bundesverband der Arzneimittel-Importeure eV et Commission des Communautés européennes contre Bayer AG. Affaires jointes C-2/01 P et C-3/01 P.


Source image : https://pixabay.com/fr/illustrations/ai-généré-cargaison-port-conteneurs-9087011/


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