Chaque 31 décembre, vingt-trois coups de canons retentissent dans la ville en commémoration à la restauration de la République Genevoise. Ce n’est qu’en 1815 que le canton entre dans la Confédération helvétique, marquant ainsi un tournant dans sa quête d’indépendance suite à l’occupation française ayant duré quatorze ans.
Occupation de Genève par la France
Le 15 avril 1798, les troupes révolutionnaires françaises entrèrent à Genève et commencèrent leur occupation[1]. Dès lors, Genève annexée à la France devint, le 25 août 1798, le chef-lieu d’un département appelé « Léman », composé de plusieurs communes françaises et genevoises[2].
En 1802, la population est soumise au service militaire obligatoire et de nombreux soldats genevois meurent lors des campagnes napoléoniennes[3]. Le nombre d’habitants passe de 27’000 à 25’000 entre 1790 et 1805[4] et l’économie de la ville est touchée. Pour l’illustrer, en 1812, l’entreprise Fazy, produit 8800 pièces de toiles peintes alors que trois ans auparavant, la production s’élevait à 20’000[5]. Un grand nombre d’artisans doivent quitter la ville et une grande partie de la population doit recourir à l’assistance publique[6].
La Suisse, à cette époque sous l’ancien régime, fût transformée en la République Helvétique. L’idée étant de créer des Républiques sur le modèle français.
Défaite napoléonienne
En 1813, la conquête européenne de Napoléon prend fin après sa défaite lors de la bataille de Leipzig. Suite à cela, un Autrichien, le général Bubna, accompagné de son armée de plus de dix mille soldats, arrive à Genève le 27 décembre 1814, afin de chasser les troupes françaises qui occupaient le territoire depuis quatorze ans[7].
Le 31 décembre, une proclamation est rédigée par l’ami Lullin[8], magistrat genevois, annonçant l’indépendance de Genève. Cela avant même que Napoléon soit définitivement battu en 1815 à Waterloo. Le 1er janvier 1814, la proclamation est lue au peuple.
Rattachement à la Suisse
Genève, trop exiguë, ne peut survivre seule. Elle est donc obligée de se rattacher à un pays.
La Suisse est son état voisin le plus approprié lui permettant de garantir son indépendance et préserver sa souveraineté en tant que nouveau canton[9]. La plupart des États souverains ne sont pas d’accord. Une certaine méfiance, causée par les troubles du 18ème siècle opposant les citoyens et bourgeois aux patriciens, en sont la cause. De plus, Genève se situe dans le territoire français et ne partage aucune frontière commune avec la Suisse[10].
L’acceptation de cette intégration nécessite de remplir deux conditions pour avoir l’adhésion des cantons, à savoir la dot et les papiers[11].
La première implique le territoire genevois. En effet, à l’époque, il est enclavé dans la France et dans le royaume de Sardaigne. L’agrandissement du territoire fut confié à Charles Pictet de Rochemont, envoyé en 1815 à Vienne, afin de négocier les nouvelles frontières avec la France[12] et en 1816 à Turin pour les frontières avec le royaume de Sardaigne[13]. Cependant, le gouvernement et une partie de la population genevoise ne souhaitaient pas un agrandissement trop conséquent par crainte de changer le caractère religieux de Genève, considéré comme la Rome Protestante[14].
La deuxième condition, les papiers, consistaient en une constitution conservatrice, se voulant rassurante pour les cantons[15]. Rédigée à la hâte en raison de l’urgence par un petit groupe de personnes et non une assemblée constituante, elle fut votée et adoptée par le peuple en août 1814[16]. Dans cette constitution, le Conseil Général est remplacé par un système représentatif et censitaire. Quant au Conseil d’Etat, il est composé de 28 membres[17]. Cette constitution assure le maintien d’un gouvernement aristocratique qui durera jusqu’en 1841, période nommée dans l’histoire genevoise « Les vingt-sept années de bonheur ».
Afin d’illustrer l’acceptation du nouveau canton par les Confédérés, ces derniers envoyèrent par le lac, le territoire n’étant alors pas encore désenclavé, des contingents fribourgeois et soleurois le 1er juin 1814 à Genève[18]. Le 12 septembre 1814, treize cantons donnèrent leur accord mais il fallut attendre le 19 mai 1815 pour que l’ensemble des cantons accepte l’entrée de Genève dans la Confédération.
Traditions
Ces événements marquent encore notre époque puisque des traditions sont célébrées en leur honneur. En effet, chaque premier juin est commémoré au Port-Noir, à Cologny, le débarquement des contingents fribourgeois et soleurois de 1814, près du monument dédié à cet épisode de l’histoire genevoise.
S’agissant de la Restauration de la République genevoise, une cérémonie annuelle a lieu en deux temps. Depuis 1887, la première partie a lieu le 30 décembre sur la promenade de la Treille, devant la tour Baudet[19]. La deuxième partie, le 31 décembre, vingt-trois coups de canon sont tirés à huit heures du matin, en référence aux vingt-trois cantons concernés par la Restauration.
Gwenaëlle Viglino
[1] BINZ, p.48.
[2] WALKER, p.146.
[3] https://ge.ch/archives/8-lannexion-france-en-1798 (14.10.23).
[4] BINZ, p.49.
[5] WALKER, p.149.
[6] WALKER, p.149.
[7] BINZ, p.50.
[8] METTRAL, p.70.
[9] BINZ, p.51.
[10] BINZ, p.51.
[11] BINZ, p.52.
[12] https://ge.ch/archives/11-traite-de-reunion-de-geneve-suisse (21.10.23).
[13] https://ge.ch/archives/12-traites-de-paris-de-turin (21.10.23).
[14] BINZ, p.52.
[15] BINZ, p.52.
[16] BINZ, p.53.
[17] BINZ, p.53.
[18] BINZ, p. 53.
[19] https://blog.bge-geneve.ch/la-restauration-a-geneve-et-le-traditionnel-tir-au-canon/ (21.10.23).
Bibliographie :
Livre :
BINZ Louis, Brève histoire de Genève, 3e édition, Genève, 2000.
WALKER Corinne, De la cité de Calvin à la ville française in Histoire de Genève, t. 2, Neuchâtel, (Editions Alphil, Presses universitaires suisses), 2002.
Sites internet :
https://ge.ch/archives/8-lannexion-france-en-1798 (14.10.2023).
https://ge.ch/archives/11-traite-de-reunion-de-geneve-suisse (21.10.23).
https://ge.ch/archives/12-traites-de-paris-de-turin (21.10.23).
https://blog.bge-geneve.ch/la-restauration-a-geneve-et-le-traditionnel-tir-au-canon/ (21.10.23).
Thèse :
METTRAL DUBOIS Véronique, L’œuvre politique de James Fazy (1974-1878) et son apport à l’avènement des droits fondamentaux à Genève, thèse (Genève), Zurich (Schulthess), 2015.
Source image : https://www.pexels.com/fr-fr/photo/ville-rue-signe-building-4468990/